Thèse : Méthodologie d’imagerie par combinaison d’information sismique ondes de surface et géoélectrique à courant continu
Université Gustave Eiffel
France
Méthodologie d’imagerie par combinaison d’information sismique ondes de surface et géoélectrique à courant continu – Application à l’environnement urbain en contexte de changement climatique
En contexte de changement climatique, la partie la plus superficielle du sous-sol, zone dite critique, est affectée par la récurrence d’événements météorologiques soudains, par l’alternance de sécheresses et de fortes pluies. Ces phénomènes conduisent à des variations rapides des niveaux des nappes superficielles et des profils hydriques des zones non saturées, engendrant une modification des propriétés mécaniques du sous-sol et une vulnérabilité accrue aux inondations. Il est donc crucial de suivre l’état de la proche surface pour permettre l’adaptation des zones urbaines anthropisées au changement climatique.
Les techniques géophysiques permettent un zonage spatial des paramètres physiques du milieu avec la profondeur, en particulier dans les environnements urbains, de complexité accrue par leur structure hétérogène et composée de milieux fortement remaniés au cours de l’anthropocène (Liu and Chan, 2007). Parmi elles, les techniques géoélectriques à courant continu (CC, e.g. Loke et al., 2013) sont reconnues pour informer sur la teneur en eau et la position du niveau de saturation. En parallèle, le monitoring sismique est en plein essor pour l’évaluation du niveau des nappes phréatiques et de la teneur en eau du sous-sol à l’échelle de bassins versants ou de rétention d’eau (Gaubert‐Bastide et al., 2022). Ces approches de monitoring sismique visent à détecter des variations temporelles relatives des paramètres du sous-sol à partir de mesures acquises sur de longues périodes.
Cependant, les besoins d’en estimer des valeurs absolues et d’en connaître les variations spatiales à un instant donné révèlent la nécessité d’une approche d’imagerie finement résolue. Or, la fiabilité des processus d’imagerie pour chacune des deux méthodes est assez limitée. Différentes études ont montré la complémentarité des paramètres sismiques (vitesses de propagation) et géoélectriques (résistivité) pour la caractérisation de structures géologiques, conduisant à des stratégies d’inversion jointe ou de fusion de données (Dezert et al., 2022). La plupart de ces propositions s’appuie, en sismique, sur la tomographie des temps de première arrivée (ondes de volume, e.g. Colombo and Rovetta, 2018). Or, en milieu urbain, très atténuant pour les ondes de volume, la sismique par ondes de surface (OS) est requise. Les rares approches combinant données sismiques OS et géoélectriques CC montrent un potentiel prometteur mais s’appuient sur la combinaison des résultats d’imagerie et non sur la combinaison des données (e.g. Coulouma et al., 2012 ; Coulouma et al., 2013).
Dans ce cadre, cette thèse propose de développer une méthodologie d’imagerie fine, basée sur l’inversion d’observables sismiques OS et géoélectriques CC, pour caractériser les niveaux de saturation en environnement urbain. Les outils d’imagerie innovants mis au point pour l’inversion en résistivité comme en ondes de surface seront exploités (Wang et al. 2021, Pageot et al. 2018) pour la reconstruction de coupes 2D de la subsurface. Afin de pallier la difficulté à relier directement (physiquement) les deux paramètres à une grandeur pétrophysique commune, un double processus d'imagerie est envisagé (vitesse sismique et résistivité électrique) dans une approche d’inversion collaborative, favorisant une structure spatiale commune entre les images 2D. La démarche scientifique mettra en oeuvre une double approche numérique et expérimentale.
Dans un premier temps, le problème 1D sera considéré (milieu tabulaire) afin d’identifier les leviers issus des deux sources géophysiques permettant de contraindre au mieux le processus d'inversion. Dans le cas 1D, les solutions analytiques aux problèmes directs permettent des calculs rapides et précis. Cette étude sera d’abord menée numériquement pour évaluer les signatures géophysiques de différents profils hydriques plausibles au sein de coupes lithologiques simplifiées. Il s’agira de résoudre les problèmes directs de sismique OS et géoélectrique CC séparément, mais sur des modèles hydro-géologiques analogues. Cette analyse permettra de caractériser les sensibilités des observables géophysiques et leur complémentarité, pour explorer la reconstruction collaborative des coupes géophysiques 1D (vitesse sismique et résistivité électrique) corrélées spatialement.
Parallèlement, une validation expérimentale sera menée sur des modèles à échelle réduite en laboratoire (Dezert et al., 2019 ; Pageot et al., 2017). Le principal verrou sera ici la conception d’un modèle expérimental commun aux deux modalités, ou de deux modèles séparés mais « analogues » en termes de structure interne et de profil hydrique.
La thèse abordera ensuite l'imagerie 2D, c’est à dire de milieux dont les propriétés varient dans un plan vertical donné (plan de coupe). Les milieux seront d’abord étudiés par simulation numérique. Ils intégreront des spécificités propres aux environnements urbains (forts contrastes, alternances de vitesses sismiques élevées et basses) à des échelles métriques à décamétriques. La reconstruction simultanée des images de vitesse sismique et de résistivité électrique sera formulée comme un problème d'optimisation conjoint en ces deux quantités, que l'on cherchera à corréler. Contrairement au cas 1D, les problèmes directs n’admettent plus de solution analytique. Il s’agira d’employer des outils de résolution numérique propres à chacun (résolution spatiale, schéma de discrétisation, complexité spécifiques). Une fonction de coût mesurant l’erreur entre les prédictions des problèmes directs et les mesures sera définie, exploitant l'expérience acquise sur le problème 1D en considérant les sensibilités des deux observables en fonction du milieu. Afin de coupler les problèmes, un terme de régularisation sera introduit permettant de favoriser des structures spatiales communes aux deux images : pénalité "edge-preserving" (Rudin et al., 1992) sous une forme conjointe, ou encore pénalité de structure (Doetsch et al., 2010). Une alternative envisagera la reconstruction des vitesses sismiques guidée par la reconstruction préalable des résistivités (ou l'inverse), ou encore un processus itératif de mise à jour des deux images. Les problèmes directs étant issus de solveurs numériques, rendant numériquement coûteuse l’évaluation du gradient de la fonction objectif, l’optimisation sera mise en oeuvre par des techniques d’optimisation sans dérivée (Audet et al., 2016).
Ces développements seront également prolongés par un travail expérimental sur des modèles réduits dédiés, communs aux deux modalités géophysiques ou analogues, et intégrant des éléments structurels représentatifs d’un environnement urbain. Selon l’avancement de la thèse, une première évaluation sur des données acquises sur un site urbain réel pourra être envisagée.
Candidatures: Les candidat·e·s devront impérativement (et uniquement) déposer leur dossier de candidature sur le portail dédié Thèses IFSTTAR dès que possible et avant le 11/04/2025 .
Contrat sur 36 mois